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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/198

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Je vis qu’il était au courant.

— C’est cela même, lui dis-je.

— Entrez, fit-il en marchant devant moi et en ouvrant la porte d’une petite chambre à une seule fenêtre, et dans laquelle il y avait trois bureaux. Tenez, continua-t-il, vous voyez qu’on vous attendait ; voici votre place ; tout est prêt, papier, plumes, encre ; vous n’avez plus qu’à vous asseoir, et à approcher votre chaise de votre bureau.

— Suis-je assez heureux pour parler à une des personnes avec lesquelles je suis destiné à vivre ? demandai-je.

— Oui… Je viens de passer commis d’ordre à dix-huit cents francs ; je laisse la place d’expéditionnaire vacante : c’est cette place qui sera la vôtre, après un surnumérariat plus ou moins long.

— Et quel est notre troisième compagnon ?

— C’est notre sous-chef, Lassagne.

La porte s’ouvrit.

— Eh bien, qu’a-t-il fait, Lassagne ? demanda, en entrant à son tour, un jeune homme de vingt-huit à trente ans.

Ernest se retourna.

— Ah ! c’est vous, reprit-il. Je disais à M. Dumas, — il me montra du doigt, je saluai, — je disais à M. Dumas que c’était ici votre place ; là, la sienne, et là, la mienne.

— C’est vous qui êtes notre nouveau compagnon ? me demanda Lassagne.

— Oui, monsieur.

— Soyez le bienvenu.

Et il me tendit la main.

Je la pris. C’était une de ces mains tièdes et frémissantes qu’on a du plaisir à serrer dès la première étreinte, une de ces mains loyales qui correspondent au cœur.

— Bon ! me dis-je en moi-même, voilà un homme qui sera mon ami, j’en suis sûr.

— Écoutez, me dit-il, un conseil. On prétend que vous venez ici avec l’intention de faire de la littérature ; ne dites pas ce projet trop haut ; cela pourrait vous faire du tort… Chut ! voici Oudard qui entre chez lui.