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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/210

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Avec des ciseaux ?

— Dame !

— D’abord, apprenez ceci, monsieur : le papier ne se coupe pas, il se déchire.

J’écoutais de toutes mes oreilles.

— Ah ! fis-je.

— Il se déchire, répéta M. de Broval ; et puis il ne s’agit pas même ici de déchirer le papier, ce que vous ne savez peut-être pas non plus ?

— Non, monsieur, je ne le sais pas.

— Vous apprendrez… Il s’agit tout simplement de faire une enveloppe anglaise.

— Ah ! une enveloppe anglaise ?

— Vous ne savez pas faire une enveloppe anglaise ?

— Je ne sais même pas ce que c’est, monsieur le chevalier.

— Je vais vous le montrer. En thèse générale, monsieur, les lettres carrées et les enveloppes carrées pour les ministres, pour les princes, pour les rois.

— Bien, monsieur le chevalier, je m’en souviendrai.

— Vous en souviendrez-vous ?

— Oui.

— Bon !… Et, pour les chefs de division, les sous-chefs, les inspecteurs et sous-inspecteurs, la lettre oblongue et l’enveloppe anglaise.

Je répétai :

— La lettre oblongue et l’enveloppe anglaise.

— Oh ! mon Dieu, oui… Tenez, voici ce que l’on appelle une enveloppe anglaise.

— Merci, monsieur.

— Maintenant, le cachet.

— Monsieur Ernest, voulez-vous nous allumer une bougie ?

Ernest s’empressa de nous apporter la cire tout allumée. — Ici, je l’avoue à ma honte, mon embarras redoublait ; je n’avais jamais guère cacheté mes lettres qu’avec des pains à cacheter, et encore, quand je les cachetais.

Je pris la cire d’une façon si gauche, je l’allumai d’une manière si naïve, je la soufflai si promptement, de peur de brûler