Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

peut-être la seule larme, de M. Arnault ; — il y trempa sa plume, et il écrivit les vers suivants, c’est-à-dire un chef-d’œuvre que lui envieraient André Chénier ou Millevoye, Lamartine ou Victor Hugo.

la feuille.

« De ta tige détachée,
Pauvre feuille desséchée,
Où vas-tu ? — Je n*en sais rien.
L’orage a brisé le chêne
Qui seul était mon soutien ;
De son inconstante haleine
Le zéphir ou l’aquilon,
Depuis ce jour me promène
De la forêt à la plaine,
De la montagne au vallon.
Je vais où le vent me mène
Sans me plaindre ou m’effrayer ;
Je vais où va toute chose,
Où vont la feuille de rose
Et la feuille de laurier ! »

Je ne sais pas ce que donneraient les grands poëtes mes confrères pour avoir fait ces quinze vers ; moi, je donnerais celui de mes drames que l’on voudrait prendre.

La grande prétention de M. Arnault, — et cette prétention était malheureuse, — c’était le théâtre. Il avait débuté par Marius à Minturnes, du temps qu’il était chez Monsieur. La tragédie avait été représentée en 1790, et, malgré la prédiction du comte de Provence, qui avait déclaré qu’une tragédie sans femme ne pouvait réussir, Marius obtint une immense succès.

Saint-Phal jouait le jeune Marius ; Vanhove, Marius, et Saint-Prix, le Cimbre.

Heureuse époque, au reste, où des hommes du mérite de