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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/232

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

M. Arnault avait deviné juste.

— Passez, dit le sans-culotte.

Et M. Arnault passa.

Dans l’intervalle qui s’était écoulé depuis Marius jusqu’au 3 septembre, jour auquel on était arrivé, M. Arnault avait fait jouer sa tragédie de Lucrèce. La pièce étant tombée, l’auteur mit la chute sur le compte de mademoiselle Raucourt…

On sait que la répulsion de cette illustre artiste pour les hommes ne lui était pas tout à fait imputée à vertu.

Au reste, plus tard, nous aurons à parler de mademoiselle Raucourt, à propos de son élève mademoiselle Georges.

M. Arnault avait suivi Bonaparte en Égypte. Il a raconté d’une façon fort amusante, dans ses mémoires intitulés Souvenirs d’un sexagénaire, la part qu’il prit à cette expédition.

Au retour, il donna une tragédie ossianesque, intitulée Oscar, qui eut un grand succès, et qu’il dédia à Bonaparte ; puis, les Vénitiens, dont le dénoûment fut regardé comme une si grande hardiesse, que les âmes sensibles ne pouvant le supporter, l’auteur fut obligé, à l’usage de ces bonnes âmes, de faire une variante grâce à laquelle, comme l’Othello de Ducis, sa pièce, maintenant, finit par une mort ou par un mariage, au choix des spectateurs.

Les Vénitiens eurent un énorme succès.

Pendant l’Empire, étant chef de division à l’Université sous M. de Fontanes, qui en était le grand maître, M. Arnault fit entrer dans ses bureaux Béranger comme expéditionnaire à douze cents francs. Ce fut là que Béranger fit sa première chanson, le Roi d’Yvetot.

second retour des Bourbons, M. Arnault fut proscrit, et se retira à Bruxelles. Nous avons dit comment, dans l’exil, il fit connaissance avec M. de Leuven, à propos d’un soufflet que celui-ci donna à un officier étranger.

Ce fut dans l’exil que M. Arnault fit presque toutes ses fables, charmant recueil à peu près inconnu, attendu que personne ne lit plus guère de fables aujourd’hui. C’est justement pour cela que je tiens à en faire lire trois.