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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/26

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

du 19 août. Leurs noms, répétés par les journaux, sont parfaitement connus du lieutenant de roi ; il appelle le chef du poste, Manoury, lui ordonne d’arrêter les quatre jeunes gens, les remet à sa garde, prend cinq hommes, et sort avec eux pour éclairer l’entrée des faubourgs.

À peine le lieutenant de roi a-t-il fait cent pas, qu’il aperçoit, en effet, vingt-cinq ou trente personnes qui paraissent fuir. Plusieurs de ces personnes sont en uniforme. Parmi elles, il reconnaît un officier du 29e ; M. Toustain marche sur lui, étend la main pour le saisir au collet ; mais cet officier lui lâche, à bout portant, un coup de pistolet en pleine poitrine, si bien en pleine poitrine, que la balle frappe juste sur la croix de Saint-Louis, qu’elle brise, mais qui l’aplatit.

Néanmoins, le choc est tel, que le lieutenant de roi tombe à la renverse.

Mais presque aussitôt il se relève, et, comme, avec ses cinq hommes, il ne peut rien faire contre trente, il rentre dans la ville, et s’arrête au corps de garde pour y prendre Bruc, Lacombe, Desbordes et Pegulu.

Mais tous quatre ont disparu. Manoury, un des officiers, leur a rendu la liberté, et a disparu avec eux.

Le lieutenant de roi marche droit à la caserne, se met à la tête du bataillon, le conduit sur la place, et envoie sa compagnie de grenadiers pour garder la porte de France, et arrêter quiconque essayerait d’entrer ou de sortir.

Au reste, il est déjà trop tard, et tous les conjurés sont hors de la ville.

En quittant ses deux chefs, le sous-officier qui a tout dénoncé rencontre l’adjudant Tellier, le même, on se le rappelle, qui a donné l’ordre de faire les sacs et de mettre les pierres aux fusils. Il lui rapporte ce qui vient de se passer, et la démarche qu’il a faite. Tellier comprend que tout est perdu ; il court à l’hôtel de la Poste, ouvre la porte, et, au milieu du souper, jette ces mots terribles :

— Tout est découvert !

Deux officiers, Peugnet et Bonnillon, doutent encore ; ils offrent de se rendre à la caserne, et s’y rendent en effet.