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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/293

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

incertain ; mais, en se reportant à l’année où mademoiselle Georges a débuté, c’est-à-dire au 29 novembre 1802, mademoiselle Georges pouvait avoir trente-huit ans en 1823.

Un mot sur la façon dont mademoiselle Georges était entrée au théâtre, et dont elle s’y est maintenue. — Aimée de Bonaparte, et restée en faveur près de Napoléon, mademoiselle Georges, qui demanda la faveur d’accompagner Napoléon à Sainte-Hélène, est presque un personnage historique.

Vers la fin de 1800 et le commencement de 1801, mademoiselle Raucourt, qui jouait les premiers rôles de tragédie au Théâtre-Français, mademoiselle Raucourt donnait des représentations en province. C’était l’époque où le gouvernement, quoiqu’il eût beaucoup à faire, n’avait pas honte de s’occuper d’art, dans ses moments perdus. Mademoiselle Raucourt avait reçu, en conséquence, l’ordre du gouvernement, si elle rencontrait dans sa tournée quelque élève qu’elle ne jugeât point indigne de ses leçons, de la ramener avec elle à Paris. Cette élève serait considérée comme élève du gouvernement, et recevrait douze cents francs de pension.

Mademoiselle Raucourt s’arrêta à Amiens.

Là, elle trouva une belle jeune fille de quinze ans, qui en paraissait dix-huit ; on eût dit la Vénus de Milo descendue de sa base.

Mademoiselle Raucourt, presque aussi Grecque que la Lesbienne Sapho, aimait fort les statues vivantes. En voyant marcher cette jeune fille, en voyant le pas de la déesse se révéler en elle, comme dit Virgile, l’actrice s’informa, et apprit qu’elle s’appelait Georges Weyrner ; qu’elle était fille d’un musicien allemand, nommé Georges Weyrner, directeur du théâtre, et de mademoiselle Verteuil, qui jouait les soubrettes.

La jeune fille était destinée à la tragédie.

Mademoiselle Raucourt lui fit jouer, avec elle, Élise, dans Didon, et Aricie, dans Phèdre. L’épreuve réussit, et, le soir même de la représentation de Phèdre, mademoiselle Raucourt demanda la jeune tragédienne à ses parents.

La perspective d’être élève du gouvernement, et surtout élève de mademoiselle Raucourt, avait, à part quelques petits