trouvé tant de plaisir, que souvent je passais sans sommeil la nuit qui la précédait, cette chasse n’avait plus la puissance de distraire mon cœur de l’angoisse qui le serrait.
Ô douleur, sublime mystère dans l’accomplissement duquel l’homme s’élève et l’âme grandit ! douleur, sans laquelle il n’y aurait pas de poésie, car la poésie est faite presque toujours d’une part de joie, d’une part d’espérance et de deux parts de douleur ! douleur, qui seule laisses ta trace dans la vie ; sillon mouillé de larmes, où pousse la Prière, c’est-à-dire la mère de ces trois nobles filles, de ces trois sœurs célestes qu’on appelle la Foi, l’Espérance et la Charité ! sois bénie par le poëte, ô douleur !
Nous avions emporté du pain et du vin ; nous avions déjeuné et dîné ; la chasse était abondante, et donnait que c’eût été tout plaisir dans un autre moment. On était arrivé à la fin de la journée, à l’heure où le merle siffle, où le rouge-gorge chante, où les premières ombres descendent avec le silence dans l’intérieur des bois, quand tout à coup je fus tiré de ma rêverie, — si l’on peut appeler rêverie ce chaos informe d’une pensée sur laquelle la lumière n’a pas été faite, — quand je fus tiré de ma rêverie par le son aigu d’un violon, et par de joyeux éclats de rire. Violon et éclats de rire s’approchaient, et je commençai bientôt à entrevoir sous les arbres un ménétrier et une noce venant d’Haramont, et allant à Villers-Cotterets ; tout cela suivait un petit chemin de traverse, et devait passer à vingt pas de moi : jeunes filles à robe blanche, jeunes gens à habit bleu ou noir, avec de gros bouquets et de longs rubans !
Je mis la tête hors de notre hutte, et je poussai un cri.
Cette noce, c’était la noce d’Adèle ! La jeune fille, au voile blanc et au bouquet d’oranger qui marchait la première, donnant le bras à son mari, c’était elle !
Sa tante demeurait à Haramont. Après la messe, on était allé déjeuner chez la tante ; on avait pris, le matin, par la grande route ; on revenait, le soir, par le chemin de traverse.
Ce chemin de traverse, je l’ai dit, aboutissait à vingt pas de notre hutte.