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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/39

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Ce que j’avais fui venait me chercher !

Adèle ne me vit pas ; elle ne sut pas qu’elle passait près de moi : elle était appuyée à l’épaule de celui à qui elle appartenait maintenant devant les hommes et devant Dieu ; et lui, le bras passé autour de sa taille, la tenait enlacée.

Je suivis longtemps des yeux cette file de robes blanches qui, dans l’ombre naissante, semblait une procession de fantômes.

Puis, quand elle eut disparu, je soupirai.

Mon premier rêve venait de s’évanouir, ma première illusion venait de s’éteindre !

LXV

Je quitte Villers-Cotterets pour être deuxième ou troisième clerc à Crépy. — Maître Lefèvre. — Son caractère. — Mes voyages à Villers-Cotterets. — Le Pélerinage à Ermenonville. — Athénaïs. — Nouveaux envois à Adolphe. — Désir immodéré de faire un voyage à Paris. — Comment ce désir s’accomplit. — Voyage. — Hôtel des Vieux-Augustins. — Adolphe. — Sylla. — Talma.

Pendant mon absence, on était venu m’offrir une place de deuxième ou troisième clerc, je ne sais plus bien, chez M. Lefèvre, notaire à Crépy.

Cette place était bien avantageuse : on était nourri et logé.

Ainsi, ma nourriture était devenue une telle charge pour ma pauvre mère, qu’elle consentait, pour la seconde fois, à se séparer de moi afin d’économiser cette nourriture.

On me fit mon petit paquet — pas beaucoup plus gros que celui d’un Savoyard qui quitte les montagnes — et je partis.

Il y avait trois lieues et demie de Villers-Cotterets à Crépy. Je fis le chemin à pied, et j’arrivai un beau soir chez M. Lefèvre.

M. Lefèvre était, à cette époque, un assez bel homme, de trente-quatre à trente-cinq ans, très-brun de cheveux, très-pâle de visage, très-usé de corps. On reconnaissait en lui