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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/43

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ce cher ami, qui m’aimait de tout son cœur, compatissait de son mieux, quand tout à coup je me frappai le front.

— Ah ! mon cher, m’écriai-je, une idée !…

— Laquelle ?

— Allons passer trois jours à Paris.

— Et ton étude ?

— M. Lefèvre part lui-même demain pour Paris ; il reste habituellement deux, ou trois jours dehors ; dans deux ou trois jours, nous serons revenus.

Paillet fouilla dans ses poches, et en tira vingt-huit francs.

— Voilà, dit-il, tout ce que je possède ; et toi ?

— Moi, j’ai sept francs.

— Vingt-huit et sept, trente-cinq ! Comment diable veux-tu que nous allions à Paris avec cela ? Nous avons déjà pour trente francs de voiture, rien qu’à aller et revenir.

— Attends donc, j’ai un moyen…

— Lequel ?

— Tu as ton cheval ?

— Oui.

— Nous mettons nos habits dans un portemanteau, nous prenons nos vestes de chasse et nos fusils, et nous nous en allons en chassant ; en route, nous mangeons le gibier, et nous ne dépensons rien.

— Comment cela ?

— C’est bien simple : d’ici à Dammartin, n’est-ce pas, nous tuons un lièvre, deux perdrix et une caille ?

— J’espère que nous tuerons mieux que cela.

— Moi aussi, je l’espère bien, mais je cote au plus bas. Nous arrivons à Dammartin, nous faisons rôtir le derrière de notre lièvre, nous mettons le devant en civet, nous buvons, nous mangeons.

— Et après ?

— Après ?… Nous payons notre vin, notre pain et notre assaisonnement avec les deux perdrix, et nous donnons la caille pour boire au garçon… Il ne faut donc s’inquiéter que de ton cheval. Eh bien, avec trois francs par jour, on en verra le jeu.