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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/44

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Nais pour qui diable nous prendra-t-on ?

— Pardieu ! pour des écoliers en vacances.

— Mais nous n’avons qu’un fusil !

— C’est ce qu’il nous faut ; un seul de nous deux chasse, l’autre le suit à cheval ; de cette façon, il y a seize lieues d’ici à Paris, cela ne nous en fait que huit à chacun.

— Et les gardes champêtres ?

— Ah ! le bel empêchement ! Celui de nous deux qui est à cheval les aperçoit de loin ; il en prévient celui qui chasse. Le cavalier descend de son cheval, le chasseur y monte, pique des deux, et, avec un temps de galop, sort du terroir. Quant au cavalier, le garde champêtre vient à lui, et le trouve cheminant, les mains dans ses poches. « Que faites-vous là, monsieur ? — Moi ?… Vous le voyez bien. — N’importe, dites… — Je me promène. — Tout à l’heure, vous étiez à cheval. — Oui. — Et maintenant vous êtes à pied. — Oui… Est-ce défendu, après qu’on s’est promené à cheval, de se promener à pied ? — Non, mais vous n’étiez pas seul. — C’est possible. — Votre compagnon chassait. — Croyez-vous ? — Parbleu ! le voilà là-bas à cheval avec son fusil. — Mon cher monsieur, s’il est là-bas à cheval avec son fusil, courez après lui, et tâchez de l’arrêter. — Mais je ne peux pas courir après lui et l’arrêter, puisqu’il est à cheval, et que je suis à pied. — En ce cas, vous ferez mieux, mon ami, d’aller jusqu’au premier village et de boire une bouteille de vin à notre santé. » Sur ce, toi ou moi, nous allongeons au brave homme une pièce de vingt sous, que nous passons dans les profits et pertes ; le garde champêtre nous tire sa révérence, s’en va boire à notre santé, et nous continuons notre chemin.

— Tiens ! tiens ! tiens ! dit Paillet, ce n’est pas mal imaginé cela… On m’a dit que tu faisais des pièces ?

Je poussai un soupir.

— C’est justement pour aller demander à de Leuven des nouvelles des pièces que j’ai faites, que je veux aller à Paris… Eh bien, une fois à Paris…

— Oh ! interrompit Paillet, une fois à Paris, j’ai un petit hôtel, rue des Vieux-Augustins, où je descends d’habitude, et