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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/56

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

espèce de club littéraire ; tous ceux que vous voyez là sont des auteurs ou des journalistes.

— En effet, dis-je à Lafarge, je n’ai jamais vu un café où l’on consomme si peu, et où l’on écrive tant.

— Diable ! vous vous formez ; c’est presque un mot que vous venez de faire là, savez-vous ?

— Eh bien, en faveur du presque-mot que je viens de faire, nommez-moi quelques-uns de ces messieurs.

— Ah ! mon cher, ce serait inutile ; il faut être Parisien pour connaître certaines réputations toutes parisiennes.

— Mais je vous assure, mon cher Auguste, qu’à cet endroit-là, je ne suis pas aussi provincial que vous le croyez.

— Connaissez-vous Rochefort ?

— Oui. N’a-t-il pas fait de très-jolies chansons, et deux ou trois vaudevilles qui ont eu du succès ?

— Justement !… Eh bien, c’est ce grand maigre qui joue aux dominos…

— Les deux joueurs sont aussi maigres l’un que l’autre.

— Ah ! c’est vrai !… c’est celui dont la figure joue toujours, et ne gagne jamais.

Un tic habituel à Rochefort motivait cette plaisanterie de la part de son ami Lafarge.

J’ai dit motivait, et non pas excusait.

— Et celui qui fait sa partie ?

— C’est Ferdinand Langlé. — Ah ! l’amant de la petite Fleuriet ?

— L’amant de la petite Fleuriet !… En vérité, vous dites cela comme un Parisien !… Qui vous a donc si bien renseigné ?

— Parbleu ! Adolphe… Mais il me semble qu’il ne vient pas vite.

— Vous êtes donc bien pressé ?

— Dame ! il me semble que c’est tout naturel : je n’ai jamais vu Talma.

— Eh bien, mon cher, hâtez-vous de le voir.

— Pourquoi cela ?

— Parce qu’il s’avachit horriblement.