Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Il nous restait douze francs.

Nous nous regardâmes avec une certaine inquiétude.

— Écoute, me dit-il, tu as vu Talma ; moi, j’ai entendu la Lampe merveilleuse ; c’est tout ce que tu désirais voir, c’est tout ce que je désirais entendre ; si tu m’en crois, au lieu de partir après-demain, nous partirons demain.

— C’est justement ce que j’allais te proposer.

— Eh bien, ne perdons pas de temps. Il est une heure du matin ; dormons le plus vite possible jusqu’à six heures ; mettons-nous en route à sept, et allons coucher, si nous pouvons, à Nanteuil.

— Bonsoir.

— Bonsoir…

Un quart d’heure après, nous dormions à qui mieux mieux.

Le lendemain, ou plutôt le même jour, à huit heures, nous avions dépassé la Villette ; à trois heures, nous dînions à Dammartin, dans les mêmes conditions que nous y avions déjeuné ; à sept heures, nous soupions à Nanteuil, et, le mercredi, à une heure, chargés de deux lièvres et de six perdrix, — résultat des économies que nous avions faites sur notre chasse de la veille et du jour, — nous entrions à Crépy, en donnant nos derniers vingt sous à un pauvre.

Nous nous séparâmes, Paillet et moi, à l’entrée de la grande place. Je rentrai chez maître Lefèvre par l’allée, et je montai à ma chambre pour faire un changement de toilette.

Par la fenêtre, j’appelai Pierre, et je lui demandai des nouvelles de M. Lefèvre.

M. Lefèvre était revenu dans la nuit.

Je donnai mon gibier à la cuisinière, je rentrai dans l’étude, et je me glissai à ma place.

Mes trois compagnons d’étude étaient chacun à la sienne.

Personne ne me demanda rien. On crut que je venais de faire une de mes excursions habituelles, mais que seulement cette excursion s’était prolongée un peu au delà des limites ordinaires.

Je m’informai si M. Lefèvre avait fait quelque question à mon endroit.