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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/71

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

dont ma mère allait me recevoir, — pauvre mère ! son premier mouvement en me revoyant était toujours la joie, — mais sur la douleur qu’allait lui causer mon renvoi de chez M. Lefèvre.

Aussi, au fur et à mesure que je me rapprochais de Villers-Cotterets, mon pas se ralentissait-il. D’habitude, je mettais deux heures à faire les trois lieues et demie qui séparent Villers-Cotterets de Crépy, attendu que je faisais la dernière lieue en courant ; cette fois, ce fut tout le contraire : la dernière lieue fut la plus longue à franchir.

Je revenais en chassant, comme c’était mon habitude encore. Aussi à peine mon chien, à trois cents pas de distance, eut-il flairé la maison, qu’il s’arrêta un instant, leva le nez, et partit comme un trait. Cinq secondes après qu’il eut disparu dans l’allée, je vis paraître ma mère sur le seuil de la porte.

Le courrier qui me précédait lui avait annoncé mon arrivée.

C’était son sourire habituel ; toute la tendresse de son cœur s’était épanouie à mon approche, et fleurissait sur son visage.

Je me jetai dans ses bras.

Ô amour de mère ! amour éternellement bon, éternellement dévoué, éternellement fidèle, véritable diamant perdu au milieu de toutes ces pierres fausses dont la jeunesse fait la parure de son bonheur, limpide et pure escarboucle qui brille dans la joie comme dans la douleur, la nuit comme le jour !

Les premiers moments ne furent donc qu’à la joie de nous revoir ; puis, enfin, ma mère me demanda comment il se faisait qu’au lieu de revenir le samedi pour passer le dimanche avec elle et partir le lundi, je revinsse le jeudi.

Je n’osai lui raconter la mésaventure qui m’était arrivée.

Je lui dis que, les affaires n’étant pas très-nombreuses à l’étude, j’avais obtenu un congé de quelques jours, que je venais passer auprès d’elle.

— Mais, me fit observer ma mère, je te vois avec ta veste et ton pantalon de chasse.

— Oui ; eh bien ?

— Comment se fait-il que tu n’aies rien dans ta carnassière ?