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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/88

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Mais non, mais non ; donnez-moi cinq napoléons, et le chien est à vous.

— Comment il appelé lui, le dog ?

— Pyrame.

— Pyrame ! fit l’Anglais.

Pyrame ne bougea pas.

— Oh ! continua l’Anglais, comment dites-vos qu’il appelé lui ?

— Je vous ai dit Pyrame.

— Il n’avé pas bougé quand j’ai appelé lui.

— C’est qu’il n’est pas encore habitué à la prononciation.

— Oh ! il habituera lui.

— Cela ne fait pas de doute.

— Vos croyez ?

— J’en suis sûr.

— Bon ! je rends grâce à vos, monsieur ; voilà les cinq napoléons.

J’hésitais à les prendre ; mais il y avait eu, dans l’accent anglais avec lequel avaient été prononcés les dernières paroles, une intonation qui m’avait si cruellement rappelé l’accent allemand de Bamps, que je me décidai.

— Je vous remercie, monsieur, lui dis-je.

— C’est moi qui remercié vos, au contraire, répondit l’Anglais en essayant de se lever de nouveau, tentative qui fut aussi malheureuse que la première.

Je lui fis un signe de la main, tout en saluant ; il retomba dans son fauteuil, et je sortis.

— Ah çà ! demandai-je au père Cartier, comment donc se fait-il que Pyrame soit tombé dans les mains d’un pareil maître ? … Il est né coiffé, ce gaillard-là !

— C’est la chose la plus simple : Valtat m’apportait une moitié d’agneau ; Pyrame a senti la chair fraîche, il a suivi Valtat. Valtat venait ici, Pyrame est venu ici. L’Anglais descendait de voiture ; il a vu ton chien. On lui a recommandé l’exercice de la chasse ; il m’a demandé si le chien était bon ; je lui ai lui dit que oui. Il m’a demandé à qui était le chien ; je lui ai dit qu’il était à toi. Il m’a demandé si tu consentirais à le