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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/90

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Comment ! dis-je en imitant son jargon, fous ne gompdiez blus sur moi ?

Puissance admirable de l’argent ! je me moquais de Bamps, qui, une heure auparavant, me faisait frissonner de terreur.

Bamps fronça le sourcil.

— Nous tisons dong ? fit-il.

— Nous disons que je vous dois vingt francs par mois ; qu’il y a deux mois écoulés sans payement, et que, par conséquent, je vous dois quarante francs.

— Fous me tevez guarande vrancs.

— Eh bien, mon cher Bamps, les voici !

Et je jetai deux napoléons sur la table, en ayant soin de faire voir les trois autres au fond de ma main.

Ma pauvre mère me regarda avec le plus profond étonnement.

Je la rassurai d’un signe.

Le signe fit cesser la crainte, mais non l’étonnement.

Bamps examina ces deux napoléons, les frotta pour s’assurer qu’ils n’étaient pas faux, et les fit couler l’un après l’autre dans sa poche.

— Fous n’afre pesoin de rien ? demanda-t-il.

— Non, merci, très-cher… D’ailleurs, je compte aller à Paris d’ici à peu de temps.

— Fous safez que je rediens fodre bradigue.

— Soyez tranquille, mon cher Bamps, c’est à la vie, à la mort ! Mais, si vous voulez partir à huit heures ?…

— Gomment, si je feux bartir ? che grois pien !

— Eh bien, il n’y a pas de temps à perdre.

— Tiable ! tiable !

— Vous savez où s’arrête la voiture ?

— Foui.

— Eh bien, bon voyage.

— Atieu, monsir Tournas ! Atieu, matame Tournas !… Atieu, afieu !

Et Bamps, enchanté non-seulement d’avoir touché quarante francs, mais encore d’être un peu rassuré sur sa créance,