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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/91

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

partit, en nous envoyant ses dernières bénédictions, de toute la vitesse de ses petites jambes.

Ma mère lui laissa le temps de refermer les deux portes.

— Mais, malheureux enfant, demanda-t-elle, où donc t’es-tu procuré de l’argent ?

— Ma mère, j’ai vendu Pyrame.

— Combien ?

— Cent francs.

— De sorte qu’il te reste soixante francs ?

— À ton service, bonne mère.

— Je suis bien forcée de les prendre. J’ai deux cents francs à payer demain à l’entreposeur, et je n’en avais là que cent cinquante.

— Les voici… mais à une condition…

— Laquelle ?

— C’est qu’au moment où je ferai mon voyage de Paris, tu me les rendras.

— Et avec quoi ?

— Cela me regarde.

— Allons, soit… En vérité, je commence à croire que le bon Dieu est avec toi.

Sur quoi, nous allâmes nous coucher tous les deux, avec cette foi sainte qui ne m’a jamais abandonné.

Cependant, je doute que la foi de ma mère fût, à ce moment-là surtout, aussi robuste que la mienne.

LXIX

Ma mère est obligée de vendre ses terres et sa maison. — Ce qui nous reste. — Les Piranèses. — Un architecte à douze cents francs. — J’escompte mon premier billet. — Gondon. — Comment j’avais failli trépasser chez lui. — Les cinquante francs. — Cartier. — La partie de billard. — Comment six cents petits verres d’absinthe représentent douze fois le voyage de Paris.

Le moment approchait où ma pauvre mère serait bien forcée de prendre une résolution définitive.