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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/97

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Et maintenant, il ne veut plus ?

— Au contraire, il en meurt d’envie ; mais il n’a pas le sou, et ne peut me payer que dans trois mois.

— De sorte que ces cinquante francs vous font faute ?

— Je crois bien.

— Et que vous voudriez les avoir ?

— Parbleu !

— Attendez, peut-être allons-nous arranger cela.

— Oh ! mon cher, tâchez.

— Il y a un moyen bien simple ; je ne puis vous donner les cinquante francs, attendu que j’ai promis cent francs à mon tailleur pour aujourd’hui ; mais qu’Oudet me fasse, à moi, un billet des cinquante francs, à trois mois, j’endosserai le billet, et je le donnerai au tailleur comme argent comptant.

Nous montâmes chez Oudet ; Oudet fit le billet, et j’emportai l’argent en remerciant Gondon, et surtout Dieu, qui, avec sa bonté infinie, mettait sans cesse sur ma route le moyen de faire un pas de plus.

J’avais conduit Gondon jusque chez son tailleur. À la porte du tailleur, je rencontrai le père Cartier.

— Eh bien, garçon, me dit-il, te reste-t-il, sur la monnaie de ton chien, de quoi payer un petit verre à ton vieil ami ?

— Oui, pourvu qu’il me le gagne au billard.

Et je fis sonner mes cinquante francs.

Je me retournai vers Gondon.

— Venez donc voir ce qui va se passer, lui dis-je.

— Allez devant ; je vous rejoins… Chez Camberlin, n’est-ce pas ?

— Chez Camberlin.

Camberlin, c’était le cafetier traditionnel ; depuis la découverte du café et l’invention du billard, les Camberlin vendaient café, et tenaient billard de père en fils.

C’était chez Camberlin que mon grand-père allait tous les soirs faire sa partie de domino ou de piquet, jusqu’à ce que sa petite chienne Charmante vint gratter à la porte, avec ses deux lanternes à la gueule.