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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/135

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Bon ! voilà de grands mots !

— Vous avez raison, il ne faut pas appliquer les grands mots aux petites choses.

— Voyons, ne parlons plus de cela ! parlons de votre position dans la maison.

— Cela s’appelle parler de choses en l’air.

— Pas de votre position dans le passé. Je sais bien que vous refuseriez de rester dans la maison aux conditions où vous y étiez ; nous ne voudrions pas non plus… Il vous faut du loisir pour travailler.

— Allons, seigneur Mécène, parlez au nom d’Auguste ; j’écoute.

— Non, c’est à vous de parler, au contraire. Que désirez vous ?

— Moi ? Je désirais un succès, je l’ai eu ; je ne désire plus rien.

— Mais, nous, que pouvons-nous faire pour vous qui vous soit agréable ?

— Pas grand’chose.

— Il y a bien, cependant, dans la maison, quelque place que vous ambitionniez ?

— Je n’en ambitionne aucune ; mais il y en a une qui me conviendrait.

— Laquelle ?

— Celle de collègue de M. Casimir Delavigne à la bibliothèque.

Oudard laissa échapper un mouvement des muscles de la face, qui voulait dire : « Vous êtes bien ambitieux, mon ami. »

— Ah ! oui, je comprends, repris-je, ce sera difficile.

— Dame ! reprit Oudard, nous avons déjà Vatout et Casimir, un bibliothécaire et un sous-bibliothécaire.

— Sans doute, et c’est beaucoup, n’est-ce pas, quand on n’a point de bibliothèque ?

En effet, la bibliothèque du duc d’Orléans était, à cette époque surtout, assez médiocre.

— Comment, pas de bibliothèque ? s’écria Oudard, qui, comme les servantes de curé, ne pouvait pas souffrir que l’on dépréciât son presbytère. Nous avons trois mille volumes !