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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/136

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Vous vous trompez, mon cher Oudard : c’est trois mille quatre ; car j’ai vu avant-hier, chez M. le duc d’Orléans, les Mémoires de Dumouriez qui arrivaient de Londres.

Avec quelque bonhomie que j’eusse relevé cette erreur de chiffres, Oudard sentit le coup ; il n’était pas de force à le parer : sans s’avouer touché, il continua.

— Eh bien, c’est à merveille, mon ami ; j’exprimerai à monseigneur votre désir de rester attaché à la maison comme bibliothécaire.

Je l’arrêtai.

— Ah çà ! entendons-nous bien, Oudard.

— Je ne demande pas mieux.

— Vous m’avez fait venir, n’est-ce pas ?

— Certainement.

— Ce n’est pas moi qui suis venu de moi-même.

— Non.

— Je ne serais pas venu si vous ne m’eussiez pas écrit.

— Vous eussiez eu tort.

— C’est possible ; mais, enfin, je ne fusse pas venu. Maintenant, vous parlez d’un désir, je n’en ai exprimé aucun ; ce n’est pas moi qui désire rester attaché à la maison ; si l’on désire me garder, on me fera bibliothécaire ; quant aux appointements, on peut ne m’en point allouer ; vous voyez que je donne de grandes facilités à Son Altesse royale.

— Ah çà ! vous serez donc toujours mauvaise tête ?

— Non ; mais je me souviens de ce que M. le duc d’Orléans a daigné écrire, voilà un mois, de sa propre main en face de mon nom : « Supprimez les gratifications, etc., etc. »

— Allons, je vais vous dire une chose qui va vous raccommoder avec le prince.

— Ah ! mon cher Oudard, je suis, en vérité, trop peu de chose pour me croire le droit d’être brouillé avec lui.

— Eh bien, je crois qu’il accepterait la dédicace de votre drame.

— La dédicace de mon drame, mon cher Oudard, appartient à celui qui l’a fait jouer ; mon drame d’Henri III sera dédié à Taylor.