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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/143

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

la pétition de ces messieurs, était la fusée volante par laquelle on avertissait le public qu’on allait tirer le grand feu d’artifice.

On se rappelle la visite que M. Lafond m’avait faite à mon bureau, pour me demander si je n’avais pas dans ma pièce un gaillard bien campé qui vint dire à la reine Christine : « Sacrebleu ! Votre Majesté n’a pas le droit de faire assassiner ce pauvre diable ! »

On se rappelle que je lui avais répondu que non.

Sur quoi, M. Lafond avait pirouetté et s’était retiré en disant que, dans ce cas, sa visite était non avenue.

Lors de la lecture d’Henri III, M. Lafond s’était dit que ce gaillard bien campé, trop bien campé même, qu’on appelait le duc de Guise, lui revenait de droit, lorsque, pas du tout, il avait vu distribuer ce rôle à Joanny, qui l’avait joué, sinon d’une manière irréprochable, du moins d’une manière remarquable.

Il en avait été autant de la pauvre mademoiselle Duchesnois ; elle avait vu passer successivement devant elle les deux rôles de Christine et de la duchesse de Guise ; elle m’avait fait l’honneur de les désirer tous deux, et deux fois, avec beaucoup de peine, je lui avais expliqué les impossibilités que je voyais à ce qu’elle jouât les deux rôles ; il en résultait que mademoiselle Duchesnois était furieuse, que la fureur est mauvaise conseillère, et qu’en somme mademoiselle Duchesnois, dans sa fureur, écrivait la lettre suivante :

« Monsieur,

» J’aurais voulu rester étrangère à la querelle qui s’est engagée dans les journaux, relativement au Théâtre-Français ; mais on se fonde sur des faits erronés, pour défendre un système qui compromet notre existence sociale ; je crois devoir au public des explications qui montreront la question sous son vrai jour.

» Sans doute le devoir des Comédiens français est, avant tout, de conserver la faveur du public, et l’on ne peut nous