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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/150

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

d’un phénomène dont il doutait, et d’épargner, en même temps, à la patiente, la souffrance inséparablement liée à l’une des plus douloureuses opérations de la chirurgie.

Le docteur Chap… magnétisa madame Pl… et lui mit tout le côté droit dans un état d’insensibilité complète.

L’opération du sein commença par une incision de onze pouces, suivie d’une autre longue de neuf. Grâce à ces deux incisions, on put aller chercher, jusque sous l’aisselle, plusieurs glandes qui furent soigneusement disséquées. Pendant l’opération, qui dura dix minutes, la malade ne donna aucun signe de sensibilité. Il semblait au chirurgien — ce sont ses propres paroles — qu’il taillait dans un cadavre ; seulement, lorsque, l’opération finie, on en vint à laver la plaie avec une éponge, la malade, sans sortir de son extase, s’écria deux fois :

— Finissez donc ! ne me chatouillez pas ainsi.

L’opération terminée, madame Pl… fut tirée de son extase : elle ne se souvenait de rien, n’avait éprouvé aucune douleur, et manifesta un profond étonnement d’être opérée.

Les pansements se firent selon le mode ordinaire, et présentèrent tous les symptômes d’une prompte guérison.

Dès le septième jour, madame Pl… sortit en voiture.

La suppuration diminuait, la plaie marchait rapidement à la cicatrisation, quand, vers le soir du quinzième jour, la malade se plaignit d’éprouver une forte oppression, et un œdème se manifesta aux extrémités inférieures.

Tout cela est du réalisme le plus absolu. — Maintenant, voici où le merveilleux commence :

Madame Pl… avait une fille ; cette fille, arrivée de province pour soigner sa mère, avait été mise par le docteur Chap… en état de somnambulisme, et reconnue par lui comme étant d’une lucidité parfaite.

Elle fut endormie du sommeil magnétique, et consultée sur l’état de sa mère.

Au premier effort qu’elle fit pour voir, sa figure se décomposa, et les larmes lui vinrent aux yeux.

Elle annonça qu’une mort paisible, mais inévitable, frapperait sa mère, le lendemain matin.