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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/173

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

De l’un à l’autre bout chargé de sombres croix !
Là, sapant par mes vœux le palais de nos rois,
Ébranlant de l’État la base légitime,
D’un sang usurpateur j’appelle le régime,
J’invoque la Discorde aux bras ensanglantés !
Est-il vrai ? Suis-je donc si coupable ?… Écoutez !
« Il sait donc désormais, il n’a plus à connaître
» Ce qu’il est, ce qu’il fut et ce qu’il pouvait être.
» Oh ! que tu dois souvent te dire et repasser
» Dans quel large avenir tu devais te lancer !
» Combien dans ton berceau fut court ton premier rêve
» Doublement protégé par le droit et le glaive,
» Des peuples rassurés espoir consolateur,
» Petit-fils d’un César, et fils d’un empereur,
» Légataire du monde, en naissant roi de Rome,
» Tu n’es plus aujourd’ui rien que le fils de l’homme !
» Pourtant, quel fils de roi contre ce nom obscur
» N’échangerait son titre et son sceptre futur ?
» Mais quoi ! content d’un nom qui vaut un diadème,
» Ne veux-tu rien, un jour, conquérir par toi-même ?
» La nuit, quand douze fois ta pendule a frémi,
» Qu’aucun bruit ne sort plus du palais endormi,
» Et que, seul au milieu d’un appartement vide,
» Tu veilles, obsédé par ta pensée avide,
» Sans doute que parfois sur ton sort à venir
» Un démon familier te vient entretenir.
» Oui, tant que ton aïeul, sur ton adolescence,
» De sa noble tutelle étendra la puissance,
» Les jaloux archiducs, comprimant leur orgueil,
» Du vieillard tout-puissant imiteront l’accueil.
» Mais qui peut garantir cette paix fraternelle ?
» Peut-être en ce moment la mort lève son aile ;
» Tôt ou tard, au milieu de ses gardes hongrois,
» Elle mettra la faux sur le doyen des rois.
» Alors, il sera temps d’expliquer ce problème
» D’un sort mystérieux ignoré de toi-même.
» Fils de Napoléon, petit-fils de François,
» Entre deux avenirs il faudra faire un choix.
» Puisses-tu, dominé par le sang de ta mère,
» Bannir de ta pensée une vaine chimère,
» Et de l’ambition éteindre le flambeau !