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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/175

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Au reste, l’anecdote que je vais raconter prouvera que je n’étais pas sans avoir prévu les événements qui allaient s’accomplir.

Ma nouvelle place à la bibliothèque de M. le duc d’Orléans — place, comme j’ai déjà eu l’honneur de le faire remarquer, plus honorifique que lucrative, — avait pour moi ce grand avantage de me donner un immense cabinet, où je pouvais faire à peu près, et beaucoup plus commodément qu’à la bibliothèque royale, mes recherches littéraires et historiques.

J’y allais donc beaucoup plus régulièrement que mes deux confrères Vatout et Casimir Delavigne.

Il en résulta qu’un jour, le duc d’Orléans entra, chantonnant un air de messe, selon son habitude quand il était de belle humeur, et, il faut le dire, il l’était presque toujours.

— Oh ! oh ! remarqua-t-il, vous êtes seul, monsieur Dumas ?

— Oui, monseigneur.

Le duc d’Orléans fit deux ou trois tours dans la bibliothèque en continuant de chanter.

— Alors, dit-il au bout d’un instant, ni Vatout, ni Casimir, ni Tallencourt ?…

— MM. Vatout et Casimir ne sont pas venus, monseigneur, et Tallencourt est sorti.

Il refit deux autres tours en chantonnant toujours.

Il était évident qu’il avait envie de causer.

Je me hasardai à le questionner.

— Monseigneur désire-t-il quelque chose que je puisse faire, en l’absence de l’un ou l’autre de ces messieurs ?

— Non, je voulais montrer à Vatout un portrait historique, et lui demander son avis.

— Malheureusement, en supposant que monseigneur ait besoin d’un avis, mon avis, à moi, ne peut remplacer celui de M. Vatout.

— Venez toujours, me dit le duc.

Je m’inclinai et suivis le prince, de la bibliothèque dans la galerie de tableaux.

Un portrait qu’on venait de rapporter de chez l’encadreur,