Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Comme Talma, mademoiselle Mars a vu grandir son talent jusqu’au jour où elle a quitté le théâtre. Mademoiselle de Belle-Isle, sa dernière création, a été une de ses créations les plus heureuses. Je fus son dernier soutien au théâtre, et j’ai eu le bonheur, selon toute probabilité, d’y prolonger sa carrière pendant deux ou trois ans.

Pendant les derniers temps de son séjour à la Comédie-Française, on l’y abreuva d’amertume. Un jour de représentation extraordinaire, on lui jeta une de ces couronnes d’immortelles comme on en dépose sur les tombeaux.

Elle avait été tressée dans une des loges du théâtre même, et je pourrais, à la rigueur, dire dans laquelle.

Lorsqu’elle quitta le théâtre, il en fut d’elle comme de Talma. Chacun avait cru remplacer Talma ; chacun espéra remplacer mademoiselle Mars : on débuta dans ses vieux rôles ; on en inventa de nouveaux. Directeurs et journaux firent leur métier en amassant le bruit et les éloges autour des réputations naissantes. On eut la monnaie de Turenne ; — a-t-on même la monnaie de mademoiselle Mars ?…

Henri III, sans amener une très-grande aisance dans la maison, avait, cependant, produit un changement sensible ; d’abord, il nous avait débarrassés de nos dettes ; il avait payé Porcher et M. Laffitte ; il nous avait permis de donner congé de notre petit logement de la rue Saint-Denis, et de louer pour ma mère, rue Madame, n° 7, un rez-de-chaussée avec jardin. L’air et la promenade lui étaient recommandés, et j’avais choisi cette rue et ce quartier, afin de la mettre porte à porte avec mesdames Villenave et Waldor, qui avaient, à la suite d’arrangements de famille, quitté leur maison de la rue de Vaugirard, pour prendre un appartement rue Madame, n° 11.

Quant à moi, j’avais loué un appartement séparé, au quatrième, au coin de la rue de l’Université et de la rue du Bac, et, comme mes relations nouvelles amenaient chez moi quelques-uns de ces messieurs et quelques-unes de ces dames du Théâtre-Français, j’avais donné à cet appartement une certaine élégance.

En outre ayant appris par le passé à ne pas trop compter