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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/189

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

J’allai dans la cour des Messageries, et, après deux heures d’attente, je trouvai ce que je cherchais, c’est-à-dire une diligence n’ayant personne dans son coupé.

Cette diligence partait pour le Havre.

J’avais de la chance, comme on le voit ; je n’avais jamais vu un port de mer ; j’allais faire d’une pierre deux coups ; À cette époque, on mettait vingt grandes heures pour aller de Paris au Havre ; c’était bien mon affaire. L’inspiration aurait le temps de venir, ou elle ne viendrait jamais.

Je partis, et, comme, dans les œuvres d’art, l’imagination est naturellement pour beaucoup, une fois mon imagination satisfaite sur le mode de travail qu’on lui offrait, elle se mit à travailler.-

Quand j’arrivai au Havre, ma pièce était refaite ; la division de Stockolm, Fontainebleau et Rome était trouvée, et, de toute cette genèse nouvelle, avait surgi le rôle de Paula.

C’était une œuvre tout entière à remanier et à récrire ; iï ne pouvait pas rester grand’chose de l’ancienne pièce. Peu s’en fallut que je ne repartisse pour Paris, sans voir la mer, tant j’avais hâte de me mettre à la besogne.

Je restai au Havre juste le temps de manger des huîtres, de faire une promenade en mer, d’acheter deux vases de porcelaine plus cher qu’à Paris, et je remontai en diligence.

En soixante et douze heures, j’avais fait mon voyage et refait ma pièce.

j’ai parlé de ces préoccupations étranges qui vous imposent impérieusement certaines conditions pour l’accomplissement d’une œuvre. — Personne n’est moins maniaque que moi ; personne, avec cette incessante habitude de travail que j’ai prise, ne travaille plus facilement que moi, et, cependant, j’ai subi trois fois cette nécessité absolue d’obéir à un caprice.

J’ai dit à quelle occasion j’avais cédé à la première ; la seconde fut à propos de Don Juan de Marana, et la troisième, à propos du Capitaine Paul.

J’étais préoccupé de l’idée que je ne pourrais trouver