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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/219

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

lorsque tout à coup éclata une vive fusillade accompagnée de cris « Aux armes ! »

On se couchait — surtout après de pareils avis reçus — à peu près tout babillé ; aussi en un instant fut-on debout. La fusillade se soutenait, parfaitement nourrie, quoique capricieusement dirigée, et les cris « Aux armes ! » redoublaient. Au milieu de ces cris, on frappa aux volets extérieurs de la grande salle basse plusieurs coups assez vigoureux pour être entendus, assez ménagés pour n’étre pas effrayants. Madame Hugo ouvrit.

C’était le colonel Montfort qui avait cogné aux contrevents avec la poignée de son sabre.

— C’est moi, madame, dit-il, moi, le colonel Montfort, qui ai l’honneur de vous présenter mes compliments. Il parait que l’ennemi nous attaque ; mais soyez tranquille, nos mesures sont prises pour le bien recevoir. En tout cas, veuillez vous barricader en dedans, et n’ouvrir qu’au duc de Cotadilla ou à moi.

Madame Hugo remercia le colonel Montfort de son attention ; M. du Saillant alla le rejoindre ; on referma derrière lui la porte, que l’on l’on barricada à triple verrou, et l’on attendit. Pendant quelque temps, la fusillade continua, paraissant même augmenter dans certains moments ; enfin, elle diminua et s’éteignit peu à peu.

Qui avait vaincu ? Français ou Espagnols ? On l’ignorait encore, mais on avait bon espoir en faveur des Français, lorsqu’on frappa de nouveau au volet, et lorsque, au milieu de grands éclats de rire, madame Hugo reconnut les voix du duc de Cotadilla, du colonel Montfort et de l’aide de camp de son mari.

Elle était invitée à faire ouvrir la grande porte.

La grande porte fut ouverte, et les trois officiers entrèrent.

Un trompette de hussards avait, un peu en avant de la ville, découvert un coin de prairie où il avait pensé que son cheval, pour lequel il avait les plus grands égards, trouverait un peu d’herbe fraîche ; les postes établis, il avait été mettre son cheval au piquet dans cette petite oasis. Un paysan avait