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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/220

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

remarqué et admiré cette confiance ; la nuit venue, il s’était glissé de buissons en buissons pour s’emparer du cheval ; celui-ci l’avait tranquillement laissé faire jusqu’au moment où il s’était senti détaché du piquet ; mais, alors, il s’était, d’une violente secousse, arraché à son larron, et, ruant, hennissant, bondissant, il était revenu vers le camp français.

La sentinelle avancée avait crié : « Qui vive ? » Le cheval, bien entendu, avait continué son chemin sans répondre. La sentinelle avait fait feu, et s’était repliée sur le premier poste en criant : « Aux armes. ! » Le premier poste avait fait feu, et crié : « Aux armes ! » Alors, les soldats à leur tour avaient couru à leurs fusils en faisceaux et tout chargés, puis avaient fait feu, et crié : « Aux armes ! De là l’alerte, de là la fusillade, de là l’effroyable tumulte qui avait, pendant une heure, rempli de feu de fumée et de bruit la petite ville de Valverde.

On ne songea point à dormir du reste de la nuit, que madame Hugo et les trois officiers passèrent ensemble, et, le lendemain, au point du jour, on se remit en marche.

Ce lendemain — au lieu de la scène assez effrayante de la nuit — préparait, pour le grand soleil du midi, une autre scène passablement grotesque.

On était dans une grande plaine à la halte du milieu du jour. Les soldats, couverts de poussière, ruisselants de sueur, sous un soleil de trente-cinq degrés, achevaient leur repas, lorsque arriva un courrier annonçant au duc de Cotadilla que la reine, qui, de son côté, était en route avec une escorte pour rejoindre son mari, ne tarderait point à passer.

Le duc de Cotadilla remercia le courrier de l’avis, et, après s’être informé du temps où la reine devait avoir rejoint, et avoir appris qu’il pouvait compter sur une heure, à peu près, lui donna liberté de poursuivre son chemin.

Puis, s’avançant vers la portière de la voiture de madame Hugo, où, comme on sait, il avait l’habitude de venir causer :

— Madame, lui dit-il, je vous invite à baisser vos stores, d’abord à cause du soleil, et ensuite à cause du spectacle que va être forcée de vous offrir l’escorte. La reine passe dans