Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
225
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ception en leur faveur, et une licence du roi ordonnait qu’ils y entrassent immédiatement.

Il fallut quitter le splendide palais Masserano avec ses beaux dessins de maîtres, ses magnifiques tapisseries, ses galeries sans fin ornées de vases de Chine, et leurs murailles où semblaient revivre trois générations de comtes et de princes dans leur costume de cérémonie ou dans leur armure de guerre, pour le sombre séminaire situé calle San-Isidro.

En effet, le séminaire des Nobles était un édifice de l’aspect le plus austère, avec de grandes cours sans arbres, et l’on pourrait presque dire de vastes salles d’étude sans écoliers.

Il y avait — les trois nouveaux venus compris — vingt-cinq élèves dans ce séminaire, qui en renfermait trois cents avant l’invasion française.

C’était la proportion, à peu près, dans laquelle la grandesse d’Espagne s’était ralliée à Joseph Bonaparte.

Et encore, sur ces vingt-cinq élèves, il y avait, comme nous l’avons dit, les trois fils du général Hugo et un prisonnier espagnol.

L’entrée du séminaire fut sombre aux pauvres enfants. Qu’on se figure, en effet, des salles d’étude, des dortoirs, des lavoirs, des réfectoires disposés pour trois cents élèves, et dans lesquels s’égarent vingt-cinq malheureux écoliers : c’était là que le rari nantes de Virgile recevait son entière application !

L’établissement était tenu par deux jésuites dirigeant le collège avec une austérité, en apparence, égale ; ces deux jésuites, qui présentaient à eux deux chacun des types opposés de l’ordre, se nommaient don Manoel et don Bazilio.

Don Bazilio était haut de taille, avait cinquante-cinq ans à peu près, le front chauve et découvert, le nez en bec de vautour, la bouche grande et ferme, et le menton avancé.

C’était un caractère dur, sévère, et ne pardonnant jamais.

Mais aussi c’était un caractère juste, et ne punissant, après tout, que lorsqu’on méritait d’être puni.

L’autre, don Manoel, était grassouillet, bien en point ; il avait la figure pleine, le visage souriant, presque gai, l’air