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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/230

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

décidé que l’on créerait, pour les trois nouveaux venus, une classe à part, arrêtèrent qu’ils expliqueraient Plaute.

C’était don Manoel, qui avec son esprit tout jésuitique, avait choisi un auteur plein d’ellipses, hérissé d’idiotismes, bourré de patois romain, pareil à celui que les paysans parlent dans Molière, faisant éternellement allusion à des mœurs déjà disparues du temps de Cicéron.

Aussi arriva-t-il à son but : les enfants s’émoussèrent sur Plaute ; c’était ce qu’on voulait pour briser leur orgueil.

Les vingt-deux autres élèves étaient des Espagnols, fils de grands d’Espagne ralliés à Joseph. Parmi ceux-ci étaient deux fils de famille auxquels Victor, dans ses œuvres, a consacré deux souvenirs différents : le comte de Belverana, qu’il a mis dans Lucrèce Borgia, et Raymond de Benavente, auquel il a adressé, en 1823, l’ode qui commence par cette strophe :

Hélas ! j’ai compris ton sourire,
Semblable au ris du condamné
Quand le mot qui doit le proscrire
À son oreille a résonné !
En pressant ta main convulsive,
J’ai compris ta douleur pensive,
Et ton regard morne et profond,
Qui, pareil à l’éclair des nues,
Brille sur des mers inconnues,
Mais ne peut en montrer le fond.

Une des remarques que fit le jeune poëte, et qui est particulière aux mœurs espagnoles, c’est que ces enfants, qui allaient de treize à vingt ans en parcourant tous les âges intermédiaires, se tutoyaient tous comme il convient à des fils de grands d’Espagne, et ne s’appelaient jamais ni, par leur nom de baptême, ni par leur nom de famille, mais seulement par leur titre de prince, duc, marquis, comte ou baron.

On appelait Victor baron, ce qui le rendait, très-fier.

Au nombre de ces jeunes gens, — et nous devons, par conséquent, pour être exact dans nos chiffres, réduire à vingt et