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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/258

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Qui faut-il annoncer ? demande le laquais.

Le duc de Dalmatie, répond le maréchal.

M. le maréchal Soult ! annonce le laquais, qui avait reçu ses ordres.

Ce pouvait être une erreur. L’illustre épée, comme l’appela, depuis, Louis-Philippe, qui peut-être, pas plus que l’ambassadeur d’Autriche, ne se souciait de l’appeler le duc de Dalmatie, l’illustre épée n’y fit pas attention.

Le maréchal Mortier se présente le second.

— Qui faut-il annoncer ? demande le laquais.

Le duc de Trévise.

— M. le maréchal Mortier ! annonce le laquais.

Les yeux des deux vieux compagnons de l’empereur se rencontrèrent ; leurs regards se croisèrent comme deux éclairs, s’interrogeant l’un l’autre ; mais ils ne surent que se répondre : il n’était pas bien clair encore que ce fût un parti pris.

Le maréchal Marmont se présente le troisième.

— Qui faut-il annoncer ? demande le laquais.

Le duc de Raguse.

— M. le maréchal Marmont, annonce le laquais.

Celte fois, il n’y avait pas à s’y méprendre. Les deux premiers arrivés allèrent au troisième venu, et lui firent part de leur doute. Cependant, tous trois résolurent d’attendre encore.

Le duc de Reggio, le duc de Tarente et tous les autres ducs de création impériale vinrent les uns après les autres, et, quoique chacun d’eux eût donné son nom de duc, ils furent annoncés purement et simplement sous leur nom de famille.

L’insulte était claire, patente, publique, et, cependant ceux qui avaient été insultés se retirèrent silencieux, gardant l’insulte qui leur avait été faite.

Pas un d’eux n’eut l’idée de souffleter l’insulteur.

Qui demanda satisfaction ? qui l’obtint pour eux ?

Le poëte !

Trois jours après cette insulte faite à l’armée entière, dans la personne de ses chefs, l’Ode à la Colonne parut…