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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/29

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Eh bien ?

— Eh bien, ne m’avez-vous pas dit que vous aviez, à une représentation du Vampire, causé toute une soirée avec Charles Nodier ?

— Sans doute.

— Écrivez à Charles Nodier.

— Bah ! il m’aura oublié.

— Il n’oublie rien ; écrivez-lui.

J’écrivis à Charles Nodier. Je lui rappelais les Elzévirs, le rotifer, les vampires, et, au nom de sa bienveillance tant vantée pour la jeunesse, je le suppliais de me recommander au baron Taylor.

On comprend avec quelle impatience j’attendis une réponse.

Ce fut le baron Taylor qui me répondit. Il m’accordait ma demande, et fixait mon audition à cinq ou six jours de là.

Il me demandait, en même temps, pardon de l’heure qu’il me fixait, mais ses nombreuses occupations lui laissaient si peu de temps, que c’était à sept heures du matin seulement qu’il pouvait me recevoir.

Quoique je sois l’homme le moins matineux de Paris peut-être, je fus prêt à l’heure dite. — Il est vrai que je n’avais pas dormi de la nuit.

Taylor demeurait, à cette époque, rue de Bondy, n° 42, au quatrième.

Son appartement se composait d’une antichambre pleine de bustes et de livres ; d’une salle à manger pleine de tableaux et de livres ; d’un salon plein d’armes et de livres, et d’une chambre à coucher pleine de manuscrits et de livres.

Je sonnai à la porte de l’antichambre avec un battement de cœur effroyable. La bonne ou la mauvaise disposition d’esprit d’un homme qui ne ne connaissait pas, qui n’avait aucun motif d’être bienveillant pour moi, qui ne me recevait que par pure complaisance, allait décider de mon avenir. Si ma pièce lui déplaisait, c’était une prévention contre tout ce que je pourrais lui apporter plus tard, et j’étais presque au bout de mon courage et de ma force.

J’avais sonné, — bien doucement ; il est vrai, — et l’on ne