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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/292

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Lassailly sorti, je repris et terminai ma scène de Paula et Monaldeschi.

Quinze jours après, on m’apporta le premier numéro d’un petit journal qui n’eut jamais, il est vrai, que ce numéro. Un critique s’annonçait dans un article préparatoire, comme devant, pour la première fois, dire la vérité sur toutes les réputations pompeuses, fausses, nées dans une nuit. Grâce à ce critique, les choses et les hommes seraient, enfin, remis à la place que Dieu leur avait faite.

La série de ces justices vengeresses, de ces exécutions littéraires, commencerait par Alexandre Dumas.

L’article était signé Lassailly, et avait été payé cent francs !

Celui qui m’apportait le journal savait ce que, quinze jours auparavant, j’avais fait pour Lassailly.

— Eh bien, me demanda-t-il, que dites-vous de cela ?

— Le pauvre garçon, répondis-je, il aura peut-être eu à faire enterrer sa mère !

Et je serrai le journal dans le tiroir du chiffonnier où Lassailly avait pris les cent trente francs qu’il ne m’a jamais rendus.

Depuis, Lassailly est mort, et le journal n’a pas ressuscité. Revenons aux deux Christine.

Lorsque j’appris, comme je l’ai dit, la chute de celle de Soulié, la mienne était finie depuis un mois, à peu près, et elle avait pris le développement qu’elle a aujourd’hui. J’allai, le jour même, trouver le directeur du Théâtre-Français, une espèce de mulâtre aux gros yeux, au sang jaune, dont j’ai oublié le nom ; et, la lettre du comité à la main, la Christine de M. Brault étant jouée, je demandai la mise en répétition de la mienne. Il y avait justement comité le lendemain ; le directeur me répondit qu’il en référerait à ce comité.

Le comité décida que, comme il était de notoriété publique que j’avais fait des changements à mon ouvrage, je devais être soumis à une seconde lecture.

Mais cette seconde lecture étant, en réalité, une troisième lecture, je m’y refusai absolument.

J’en étais là de ce conflit avec la Comédie-Française, qui