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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/309

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


CXXXV


La maison de mademoiselle Georges. — Harel et Jules Janin. — Les jeunes Tom et Popol. — Prière de ce dernier contre le choléra. — Vie orientale de Georges. — Sa propreté. — Défaut contraire d’Harel. — Vingt-quatre mille francs jetés par la fenêtre. — La Saint-Antoine. — Piaff-Piaff. — Ses débordements. — Son trépas. — Son oraison funèbre.

Mes répétitions de Christine m’avaient ouvert la maison de mademoiselle Georges, comme mes répétitions d’Henri III m’avaient ouvert la maison de mademoiselle Mars.

C’était une maison d’une composition bien originale que celle qu’habitait ma bonne et chère Georges, rue Madame, no 12, autant qu’il m’en souvient.

D’abord, dans les mansardes, Jules Janin, second locataire.

Au second, Harel, principal locataire.

Au premier et au rez-de-chaussée, Georges, sa sœur et ses deux neveux.

L’un de ces deux neveux, qui est aujourd’hui un grand, beau et spirituel garçon portant le nom d’Harel, avait longtemps, soit en province, soit à Paris, figuré stéréotypé sur les affiches de sa tante, qui ne pouvait pas plus se passer de lui au théâtre qu’à la ville.

On se rappelle cette phrase, qui, pendant cinq ou six ans, ne subit aucune altération :

» Le jeune Tom, âgé de dix ans, remplira le rôle de… »

Puis les noms variaient depuis celui de Joas jusqu’à celui de Thomas Diafoirus ; l’âge seul ne variait jamais : le jeune Tom restait toujours âgé de dix ans.

Il faut rendre justice au jeune Tom, il exécrait la comédie ; aussi, chaque fois qu’il lui fallait entrer en scène, murmurait-il entre ses dents :

— Maudit théâtre ! et penser qu’il ne brûlera pas !

— Que dis-tu, Tom ? demandait mademoiselle Georges.

— Rien, ma tante, répondait Tom ; je repasse mon rôle.