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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/65

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

un de frimaire de la même année, signé « Bonaparte, 12 frimaire. » Ainsi, c’est entre le 29 vendémiaire et le 12 frimaire qu’il a retranché son u ; voilà un grand point historique éclairci !

Pendant ce monologue, j’avais jeté un regard sur tous les points de cette chambre à coucher, et j’avais remarqué que le seul meuble qui ne fût pas encombré de livres était le fauteuil d’où il venait de se lever.

Après avoir bien examiné l’autographe, M. Villenave le mit dans une chemise blanche, annota la chemise, la plaça dans un carton, remit le carton en son lieu, et, avec un soupir de joie, se rejeta sur son fauteuil.

— Ah ! maintenant, dit-il, asseyez-vous donc.

— Je ne demanderais pas mieux, répondis-je ; mais sur quoi voulez-vous que je m’assoie ?

— Sur le canapé, donc.

— Ah ! oui, sur le canapé !

— Eh bien ?

— Eh bien, regardez-le un peu, le canapé.

— C’est, par ma foi, vrai, il est encombré de livres. Eh bien, avancez un fauteuil.

— Ce serait avec grand plaisir ; mais les fauteuils…

— Les fauteuils ?

— Encombrés comme le canapé.

— Ah ! j’ai tant de livres… Vous avez vu cette grande lézarde qui est à la maison ?

— Non.

— Elle est visible, cependant… Eh bien, mon cher monsieur, ce sont les livres ! les livres ont failli faire crouler la maison.

— Comment, les livres ?

— Oui, douze cents in-folio, monsieur, douze cents in-folio magnifiques, rares ; je crois même qu’il y en avait d’inconnus, tant ils étaient rares ! J’avais mis tout cela dans le grenier, je comptais bien y en mettre encore, il y avait de la place pour douze cents autres ; — tout à coup, la maison tremble, jette un cri et se lézarde.