Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

teur du Dieu des bonnes gens, pour Béranger auteur des Souvenirs du peuple. L’instinct des masses ne se trompait point à cela : il sentait très-bien que Béranger était un ardent mineur, que chacune de ses chansons politiques était un coup de pioche donné sous les fondements du trône, et il applaudissait des mains et de la voix au hardi pionnier qui creusait la tranchée par laquelle le peuple arriverait un jour aux Tuileries.

Aussi, Béranger jouissait-il d’une influence énorme ; c’était à qui, de tous les partis, aurait Béranger. On avait offert la croix à Béranger, et Béranger avait refusé ; on avait offert une pension à Béranger, et Béranger avait refusé ; on avait offert l’Acadénne à Béranger, et Béranger avait refusé ; — personne n’avait Béranger, Béranger, au contraire, avait tout le monde, et particulièrement Laffitte.

Cette amitié de Laffitte pour Béranger, et cette influence de Béranger sur Laffitte, devaient se manifester d’une merveilleuse façon en 1830.

La France leur dut le règne de Louis-Philippe, c’est-à-dire la transition indispensable, à notre avis, de la royauté aristocratique à la magistrature populaire, ce passage qu’on a appelé la royauté bourgeoise.

Nous aurons de curieux détails à raconter, quand nous en serons arrivé là, nous qui, pendant toute cette grande semaine, n’avons pas quitté les défaiseurs et les refaiseurs de rois.

Mais, pour le moment, celui des deux Béranger que Firmin nous promettait, ce n’était pas Béranger l’homme politique, c’était Béranger le poëte, Béranger l’auteur de Lisette, Béranger l’auteur des Deux Sœurs de Charité, Béranger l’auteur de Frétillon.

Nous devions, en outre, avoir comme autorités MM. Taylor, Michelot, Samson ; mademoiselle Leverd et mademoiselle Mars.

Je voulus donner à ma mère le bonheur d’assister à cette lecture, de l’issue de laquelle je ne doutais point, et je la déterminai à m’accompagner.