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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Je trouvai le garçon de bureau occupé à remettre un peu d’ordre dans nos établissements. Cette partie du palais avait été envahie ; on avait tiré des fenêtres, ce qui ne s’était pas fait sans mettre un peu de désordre dans les papiers.

Pas d’Oudard !

Je m’enquis de lui au garçon de bureau, qui m’apprit en confidence que, selon toute probabilité, je le trouverais chez Laffitte.

J’ai déjà dit comment j’avais fait connaissance avec l’illustre banquier par le service qu’il m’avait rendu.

Je m’acheminai donc vers l’hôtel Laffitte, dans lequel j’avais la certitude de n’être pas regardé tout à fait comme un intrus.

Il me fallut plus d’une heure pour me rendre du Palais-Royal à l’hôtel Laffitte, tant les rues étaient encombrées, tant aussi l’on rencontrait sur son chemin de personnes de connaissance.

À la porte, je heurtai Oudard.

— Ah ! pardieu ! lui dis-je en riant, c’est justement vous que je cherchais !

— Moi !… Et que me voulez-vous ?

— Mais savoir si votre avis sur la situation est toujours le même…

— Je n’aurai d’avis que demain, me répondit Oudard.

Et, me faisant un geste d’adieu, il s’éloigna vivement.

Où allait-il ? Je ne le sus que trois jours plus tard : il allait à Neuilly porter ce court ultimatum au duc d’Orléans :

« Entre une couronne et un passe-port, choisissez ! »

L’ultimatum était posé par M. Laffitte.

Je m’étais flatté d’une espérance illusoire quand j’avais cru pouvoir entrer chez Laffitte : cours, jardins, antichambres, salons étaient encombrés ; il y avait des curieux jusque sur les toits des maisons en face, qui plongeaient dans la cour de l’hôtel.

Mais, il faut le dire, les hommes rassemblés là n’étaient pas tous dans l’enthousiasme et l’admiration ; on racontait à l’exté-