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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/215

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Bard manqua de se jeter en bas du cabriolet à force de rire.

Au bout de trois ou quatre cents pas, je me retournai tout en fouettant les chevaux, et je vis le père Levasseur, qui, assis sur son derrière, commençait à reprendre ses sens.

Un petit monticule que je franchis le déroba à ma vue.

J’avais encore à peu près une lieue et demie à faire ; je rattrappai le temps perdu, et fis cela en dix-sept minutes.

J’arrivai à la poste de Levignan en m’annonçant à grands coups de fouet, et, quand j’arrêtai les chevaux, deux personnes se montraient sur le seuil de la porte.

L’une était le maître de poste lui-même, M. Labbé ; l’autre était mon vieil ami Cartier, le marchand de bois.

Tous deux me reconnurent en même temps.

— Tiens, c’est toi, garçon ! dit Labbé ; ça va donc mal, que tu t’es fait postillon ?

Cartier me donnait la main.

— Dans quel diable d’équipage nous arrives-tu là ! demanda-t-il.

Je leur racontai l’aventure du père Levasseur, — puis tout ce qui s’était passé à Paris.

Il était huit heures et demie ; je n’avais plus que deux heures et demie pour arriver à Soissons, et il me restait neuf grandes lieues à faire.

Les probabilités de réussite s’évanouissaient de plus en plus : cependant, je n’en voulus pas démordre.

Je demandai des chevaux à Labbé, qui les lit amener à l’instant même.

En cinq minutes, ils étaient attelés.

— Ma foi, dit Cartier à Labbé, je m’en vais avec eux… Je suis curieux de savoir comment cela finira.

Et Cartier monta avec nous.

— Recommandez-moi au postillon, dis-je à M. Labbé.

Et il fit un signe de tête.

— Jean-Louis, dit-il au postillon.

— Plaît-il, bourgeois ?

— Tu connais le père Levasseur ?

— Pardieu ! si je le connais !