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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/245

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

m’assis sur un tonneau comme Jean Bart, et que je priai Hutin d’aller presser Moreau et ses voituriers.

Hutin partit ; c’était, de son côté, une vigoureuse nature, toute de nerfs, un chasseur infatigable, un admirable tireur, peu parleur, mais qu’il fallait voir à l’œuvre, quelle que fût cette œuvre, pour l’apprécier.

Un quart d’heure après, il revenait avec la voiture, mais sans Moreau.

Qu’était devenu Moreau ?

Moreau avait soulevé une vingtaine de jeunes gens de la ville et tout le corps des pompiers. Pompiers et jeunes gens allaient m’attendre et me faire escorte jusqu’à Villers-Cotterets.

De plus, Moreau m’envoyait son cheval pour faire ma sortie.

Nous chargeâmes la poudre sur la voiture ; je payai le prix convenu, — quatre cents francs, je crois ; — nous étions libres de prendre la poste ; e voiturier devait suivre la voiture ; il la ramènerait comme il pourrait, c’était son affaire : il recevait quatre cents francs pour cela.

La poudre chargée, nous fîmes une halte chez madame Hutin. Il était quatre heures de l’après-midi, et nous étions encore à jeun.

Bard, seul, avait mangé trois prunes.

Bard mourait d’envie d’emmener la pièce de quatre, et, moi, je mourais d’envie de lui en faire cadeau ; mais les braves gardiens de la poudrière me prièrent tant de la leur laisser, que je n’eus pas le courage de la leur prendre.

Un bon dîner nous attendait chez Hutin. Si grand besoin que nous en eussions, nous le mangeâmes en hâte, et pendant qu’on attelait les chevaux de poste au cabriolet.

Enfin, à cinq heures, nous nous mîmes en route : Hutin, Moreau et Bard, derrière la voiture, dans le cabriolet ; moi, sur le cheval de Moreau, marchant le long des roues, une main à la fonte, et tout prêt à faire sauter la voiture, moi et une partie de la ville, si l’on tentait de s’opposer à notre sortie.