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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/62

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

de ses mains n’était pas sur le dossier de sa stalle, et, devant cette première observation, Signol, sans rien répondre, retira ses mains.

Cet incident pouvait être l’effet du hasard, et le jeune officier de la garde n’y attacha, dans ce moment, aucune importance. Mais, cinq minutes après, en s’adossant à sa stalle, il sentit les mêmes mains à la même place.

Cette fois, il n’attendit pas, et, se retournant aussitôt :

— Monsieur, dit-il, j’ai déjà eu l’honneur de vous faire observer que vos mains me gênaient… Ayez la bonté de les mettre dans vos poches, si vous n’avez pas d’autre place ; mais, pour Dieu ! ne les mettez plus sur ma stalle !

Signol retira une seconde fois ses mains.

Mais, avant qu’il se fût écoulé deux minutes, le jeune officier sentit, non plus les mains de Signol au milieu de son dos, mais la tête de ce fâcheux voisin sur son épaule.

Cette fois, la patience lui échappa, et, se levant et se retournant :

— Mordieu ! monsieur, s’écria-t-il, si c’est un parti pris, dites-le tout de suite !

— Eh bien, oui, monsieur, répondit Signol en se levant à son tour, c’est un parti pris.

— Et dans quel but ?

— Dans le but de vous insulter ; et, si ce que j’ai fait ne suffit pas, tenez !…

Et le fou, l’insensé donna un soufflet à Marulaz !

Tout étourdi de cette insulte à laquelle il ne comprenait rien, le jeune officier porta machinalement la main à son sabre, et, machinalement encore, le tira à moitié du fourreau.

— Ah ! voyez ! s’écria Signol, il va m’assassiner !

Marulaz repoussa son sabre au fourreau.

— Non, monsieur, dit-il ; je ne vous assassinerai pas, mais je vous tuerai !

Et, pour lui rendre avant tout l’insulte qu’il en avait si gratuitement reçue, Marulaz, qui est très-fort, enleva Signol comme il eût fait d’un enfant, le fit passer d’une travée dans l’autre et le mit sous ses pieds.