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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/107

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


» — Comment, c’est le diable ? répétai-je étonné. »
» — Oui, me répondit-il.
» — Mais dans quel but ?
» — Voyez-vous d’ici le ruisseau de la Maine,… là-bas au fond de la vallée ?
» — Parfaitement.
» — Eh bien, alors, vous distinguez un endroit où l’on pourrait le traverser sur des pierres qui sortent à fleur d’eau, si, juste au milieu de ces pierres, il n’y avait un vide. »
» — Bon.
» — Ce vide devait être rempli par le rocher contre lequel nous sommes appuyés.
» — En effet, il est taillé de manière à s’y emboîter exactement, et à faire disparaître la solution de continuité qu’y produit son absence.
» — Je ne comprends pas bien ce que vous dites, reprit le paysan ; mais tant il y a que c’est le diable qui était en train de bâtir ce pont pour aller voler les vaches des métayers ; il n’y manquait plus que cette pierre, qu’il apportait sur son épaule, oubliant que le jour où il voulait terminer son ouvrage était un dimanche, lorsque, tout à coup, il aperçut la procession de Roussay, et que la procession de Roussay l’aperçut.

Le prêtre, à cette vue, fit le signe de la croix ; aussitôt les forces manquèrent à Satan, qui fut obligé de déposer ici même, à l’endroit où nous sommes, et pour toujours, cette pierre qu’il ne peut plus soulever… Voilà pourquoi le pont est interrompu, et pourquoi cette pierre tremble. »
C’était une explication comme une autre ; force me fut de m’en contenter ; si je lui avais donné la mienne, il est probable qu’elle lui eût paru plus absurde encore que ne me le paraissait à moi-même celle qu’il venait de me donner… »

Au bout de six semaines, grâce à mon guide, qui m’avait accompagné partout, je connaissais aussi bien qu’un habitant du pays, et peut-être même beaucoup mieux, non-seulement la Vendée passée, mais encore la Vendée à venir.

Je pris donc congé de madame Villenave et de sa fille ;