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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/108

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

j’embrassai la petite Élisa au front, et je partis pour Nantes.

Au delà de Clisson, la compagnie de mon Vendéen me devenait inutile ; je le quittai en essayant de lui faire accepter une récompense pour les services qu’il m’avait rendus ; mais il refusa obstinément en disant que, quelque chose qu’il eût faite et dût faire encore pour moi, il resterait éternellement mon débiteur.

Nous nous embrassâmes, et je m’éloignai ; — mais lui resta à la même place, me faisant des signes chaque fois que je me retournais.

À un angle du chemin, je le perdis de vue, et tout fut dit.

Vit-il ? est-il mort ? se souvient-il de moi ? m’a-t-il oublié ? A-t-il gardé au fond de son cœur cette pierre précieuse que l’on appelle la reconnaissance, ou l’a-t-il jetée si loin de lui, qu’il la chercherait vainement, et ne saurait plus même où la retrouver ? Je l’ignore.

J’arrivai à Nantes une heure et demie après l’avoir quitté.


CLXIX


La révolution nantaise. — Régnier. — Paimbœuf. — Les aubergistes et les voyageurs. — Jacomety. — L’habitant de la Guadeloupe et sa femme. — Chasse aux mouettes et aux goëlands. — Axiome pour la chasse maritime. — Le capitaine de la Pauline. — Femme et hirondelle. — Superstition amoureuse, — Appareillage.

Nantes avait eu, comme Paris, sa révolution, son Raguse qui avait fait tirer sur le peuple, et son peuple qui avait écrasé le Raguse. On me montra des maisons presque aussi belles de cicatrices que le Louvre ou l’institut ; le feu avait été si bien nourri de la part des troupes royales, qu’un jeune homme nommé Petit avait reçu, d’une seule décharge, trois balles dans le bras, une dans la poitrine, et un coup de fusil à plomb dans la figure ; ce dernier lui avait été tiré d’une fenêtre, et lui venait d’un compatriote. Le blessé était en