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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/129

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tous les yeux se sont tournés vers moi : les vaincus eux-mêmes m’ont cru nécessaire à leur salut ; je l’étais peut-être plus encore pour que les vainqueurs ne laissassent point dégénérer la victoire ; j’ai donc accepté cette tâche noble et pénible, et j’ai écarté toutes les considérations personnelles qui se réunissaient pour me faire désirer d’en être dispensé, parce que j’ai senti que la moindre hésitation de ma part pouvait compromettre l’avenir de la France et le repos de tous nos voisins. Le titre de lieutenant général, qui laissait tout en question, excitait une défiance dangereuse, et il fallait se hâter de sortir de l’état provisoire, tant pour inspirer la confiance nécessaire que pour sauver cette Charte, si essentielle à conserver, dont feu l’empereur, votre auguste frère, connaissait si bien l’importance, et qui aurait été très-compromise si l’on n’eût promptement rassuré et satisfait les esprits.

» Il n’échappera ni à la perspicacité de Votre Majesté, ni à sa haute sagesse, que, pour atteindre ce but salutaire, il est bien désirable que les affaires de Paris soient envisagées sous leur aspect véritable, et que l’Europe, rendant justice aux motifs qui m’ont dirigé, entoure mon gouvernement de la confiance qu’il a droit d’en espérer. Que Votre Majesté veuille bien ne pas perdre de vue que, tant que le roi Charles X a régné sur la France, j’ai été le plus soumis et le plus fidèle de ses sujets, et que ce n’est qu’au moment où j’ai vu l’action des lois paralysée, et l’exercice de l’autorité royale totalement anéanti, que j’ai cru de mon devoir de déférer au vœu national en acceptant la couronne à laquelle j’ai été appelé. C’est sur vous, sire, que la France a surtout les yeux fixés : elle aime à voir dans la Russie son allié le plus naturel et le plus puissant ; j’en ai pour garantie le noble caractère et toutes les qualités qui distinguent Votre Majesté impériale.

» Je la prie d’agréer les assurances de la haute estime et de l’inaltérable amitié avec laquelle je suis,

» Monsieur mon frère, de Votre Majesté
impériale, le bon frère,
» Louis-Philippe. »