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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/214

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

démenti ? Ah ! c’est trop fort ! et tout le monde saura que vous m’avez manqué…

— Prenez garde, sire, répondit froidement le garde des sceaux ; quand le roi dira oui, et que Dupont (de l’Eure) aura dit non, je ne sais pas auquel des deux la France croira…

Et, saluant le roi, il s’avança vers la porte de sortie.

Mais, sur le seuil de cette porte, le rigide vieillard trouva le duc d’Orléans, jeune homme affable et souriant, qui le prit par les deux mains, et l’empêcha d’aller plus loin.

— Mon père ! cria le duc d’Orléans au roi, il y a bien certainement malentendu… M. Dupont est un si honnête homme, qu’il ne peut y avoir autre chose.

Le roi comprit la faute qu’il venait de faire. Il tendit les bras à son ministre ; le duc d’Orléans poussa Dupont (de l’Eure) entre ses bras ouverts : le roi et son ministre s’embrassèrent. Rien ne fut oublié peut-être, mais tout fut convenu.

Odilon Barrot resterait préfet de la Seine, et, par conséquent, Dupont (de l’Eure) resterait garde des sceaux. — Il en résultait que la Fayette, de son côté, restait généralissime des gardes nationales du royaume.

Nous verrons ces trois loyaux amis éconduits poliment, quand le roi n’aura plus besoin d’eux.

Mais, comme il est facile de le comprendre, tout cela n’était qu’un replâtrage sans consistance aucune : si M. Dupont (de l’Eure) consentait à rester avec MM. de Broglie, Guizot, Molé et Casimir Périer, MM. Casimir Périer, Molé, Guizot et de Broglie ne consentaient point à rester avec M. Dupont (de l’Eure). En conséquence, ils donnèrent leur démission, qui entraîna celle de MM. Dupin et Bignon, ministres sans portefeuille.

Le roi était dans un grand embarras : il recourut à M. Laffitte.

M. Laffitte objecta le tort que feraient à sa maison de banque les soins journaliers qu’il serait obligé de donner aux affaires publiques, s’il acceptait une position ministérielle, et il avoua au roi la gêne qu’avait déjà amenée dans ses affaires la suite de la révolution de juillet.

Le roi se mit corps et âme à sa disposition.