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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/248

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MÉMOIRES D’ALEX DUMAS

La Fayette veut parler, mais les imprécations couvrent sa voix.

Enfin, il parvient à faire entendre ces paroles :

— Citoyens, je ne reconnais pas ici les combattants de juillet !

— Je crois bien ! répond une voix, comment les reconnaîtriez-vous ? Vous n’étiez pas avec eux !

Le moment était suprême ; nous étions quatre ou cinq artilleurs ensemble ; M. Sarrans, qui accompagnait le général, nous fait signe d’accourir. Grâce à notre uniforme, respecté du peuple comme un drapeau d’opposition, nous arrivons jusqu’au général, qui me reconnaît et me prend le bras ; d’autres patriotes se joignent à nous, et la Fayette se trouve avoir, enfin, un entourage d’amis au milieu duquel il respire.

Mais, de tous côtés, les gardes nationaux furieux quittent leurs postes ; quelques-uns chargent leurs fusils, d’autres les jettent loin d’eux, tous crient à la trahison.

En ce moment, le bruit d’un coup de canon traverse l’air comme un écho de la foudre. C’est M. de Montalivet qui annonce au roi que les ministres sont sauvés ; mais, nous, dans notre ignorance, nous croyons reconnaître un signal qui nous est donné par nos camarades du Louvre ; nous lâchons le général, et, tirant nos poignards, nous nous précipitons vers le pont Neuf en criant : « Aux armes ! »

À nos cris, à la vue de notre uniforme, à l’aspect des lames nues, le peuple d’abord s’ouvre devant nous, puis bientôt se met à courir dans toutes les directions en criant de son côté :

« Aux armes ! »

Nous arrivons au Louvre comme les gardiens vont en fermer les grilles ; nous repoussons grilles et gardiens, nous entrons de force. Que l’on ferme les grilles derrière nous, une fois entrés, peu nous importe !

Il y avait à peu près six cents artilleurs dans le Louvre.

Je m’élançai dans le corps de garde placé à gauche en entrant par la grille de la place Saint-Germain-l’Auxerrois.

La nouvelle de l’absolution des ministres était déjà connue,