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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/26

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Je puis, d’un moment à l’autre, avoir besoin de mes deux bras, dit-il ; laissons-les donc intacts… La tête est déjà bien assez malade !

Puis vint le tour de Charras.

— Peste ! monsieur, lui dit le chirurgien-major, vous avez de la chance ; une ligne ou deux plus à gauche, vous aviez l’artère coupée.

— Et quand on pense, dit Charras en montrant Lothon, que c’est cette brute qui a manqué faire ce beau coup-là avec son épée à la François Ier !

— Allons, dit Lothon, voilà que tu vas recommencer à crier pour ta chienne d’artère, qui n’est pas même coupée… Je ne te savais pas si douillet que cela !

Charras se mit à rire.

Le lieutenant-colonel Duriveau entra.

— Tout va bien, dit-il à demi-voix à Charras. Du reste, je ne vous quitte pas d’une minute, que vous ne soyez hors de la ville.

Il venait d’y avoir réunion d’officiers, et des officiers avaient décidé qu’avec ou sans la participation du colonel, ils feraient adhésion au gouvernement provisoire.

Au bout d’une-demi-heure, le colonel revint.

— Messieurs, dit-il, vous allez me donner votre parole d’honneur de quitter la Fère à l’instant même, et vous serez libres.

— Moi, dit Charras, je ne vous donne rien du tout.

— Comment, vous ne me donnez rien du tout ?

— Non.

— Vous vous engagez bien au moins à ne pas me faire d’émeute dans-mon régiment ?

— Pas davantage… Vous êtes encore bon, vous ! nous venons au nom du gouvernement constitué ; c’est nous qui sommes le pouvoir, et vous qui êtes la rébellion ; c’est nous qui pourrions vous faire un mauvais parti pour nous avoir arrêtés, et vous nous demandez encore notre parole d’honneur de quitter la Fère, de ne pas essayer de soulever votre régi-