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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/289

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

compte, je me tenais tout prêt à prendre la responsabilité de mes actes, j’entrai la tête haute.

Je dois dire que, des vingt officiers qui formaient le groupe dont j’avais l’honneur de faire partie, je parus être le seul digne d’attirer l’attention du roi ; il me regarda même avec un tel étonnement, que je jetai les yeux autour de moi pour chercher la cause de cet incompréhensible regard. Parmi ceux qui étaient là, les uns affectaient de sourire dédaigneusement ; les autres paraissaient consternés ; quelques-uns semblaient dire dans leur pantomime :« Seigneur ! excusez-nous d’être venus avec cet homme ! »

Tout cela, je l’avoue, était inexplicable pour moi.

Je passai devant le roi, qui eut la bonté de m’adresser la parole.

— Ah ! bonjour, Dumas ! me dit-il. Je vous reconnais bien là !

Je regardai le roi, me donnant au diable pour savoir à quel signe il me reconnaissait.

Puis, comme il se mit à rire, et qu’en bons courtisans ceux qui l’entouraient l’imitèrent, je souris pour ne pas faire autrement que tout le monde, et je continuai mon chemin.

Dans la chambre où aboutissait ma course, je trouvai Vatout, Oddard, Appert, Tallencourt, Casimir Delavigne, tous mes anciens camarades enfin.

On m’avait vu à travers la porte entr’ouverte, et, là aussi, on riait.

Cette hilarité générale commençait à m’ahurir.

— Ah ! me dit Vatout, vous avez de l’aplomb, cher ami !

— Et en quoi ?

— Vous venez faire au roi votre visite du jour de l’an avec un habit de dissous.

Lisez dissous, mais entendez dix sous.

Vatout était un enragé faiseur de calembours.

— Je ne comprends pas, lui dis-je très-sérieusement.

— Allons bon ! dit-il, voilà que vous allez essayer de nous faire accroire que vous ne connaissez pas l’ordonnance du roi !