Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
297
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


CLXXXVII


Bel exemple de tolérance religieuse. — L’abbé Dallier. — Les Circés de Lèves. — Waterloo après Leipzig. — L’abbé Dallier est gardé comme otage. — Les barricades. — Les cailloux de Chartres. — La vigie. — Préparatifs de combat.

Quoique les Lévois eussent lâché leur prisonnier, ils n’en comprenaient pas moins que la guerre était déclarée ; il y avait eu des menaces faites, de gros mots lancés à l’adresse de l’évêque, et ils connaissaient trop bien le caractère de Sa Grandeur pour espérer qu’elle se regarderait comme battue.

Mais n’importe ! ils étaient décidés à pousser leur foi dans la religion nouvelle jusqu’au martyre, s’il le fallait !

En attendant, comme on n’avait rien de mieux à faire, on proposa de se débarrasser du mort, cause innocente de toute cette bagarre.

Il avait, disait-on, renié l’abbé Ledru à son dernier soupir ; ce n’était pas bien sûr, et c’était peut-être un propos de l’évêque ! Au reste, les religions nouvelles sont tolérantes : l’abbé Ledru comprit qu’il fallait planter la sienne par le côté de l’indulgence : il pardonna au mort cet instant de faiblesse, en supposant qu’il l’eût eu, lui expédia une messe française, et l’enterra à la manière de l’abbé Châtel ! Hélas ! le pauvre mort paraissait tout à fait indifférent à la langue dans laquelle ou lui chantait la messe, et à la façon dont on l’enterrait !

On attendit, sans nouvelle attaque de l’autorité, et sans que l’évêque donnât signe de vie, du 24 mars au 29 avril, c’est-à-dire près de six semaines.

L’abbé Ledru continuait de dire sa messe, et les Lévois se croyaient parfaitement autorisés à suivre, pour le salut de leur âme, le rit qui leur était le plus agréable.

Enfin, la journée du dimanche 29 avril arriva : c’était le jour fixé par l’évêque et par le préfet pour la réouverture de l’église romaine, et pour l’installation d’un nouveau desservant.