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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/303

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le préfet essaya de parler, le procureur du roi essaya de requérir, les substituts essayèrent de menacer, le juge essaya d’ouvrir le Code, le général essaya de tirer son épée, le chef de la gendarmerie essaya de mettre le sabre à la main ; tous ces essais-là avortèrent au milieu des chants de la Parisienne et de la Marseillaise.

Ces messieurs avaient bonne envie d’en appeler aux armes ; mais l’attitude de la troupe était trop douteuse pour qu’on risquât la chance.

Le préfet se retira une seconde fois, suivi du général, du chef de la gendarmerie, du procureur du roi, des deux substituts et du juge.

C’était Waterloo après Leipzig !

Un instant plus tard, la troupe reçut l’ordre d’évacuer la rue des Grands-Prés ; il n’y avait dans cet ordre rien d’hostile contre la population, la troupe obéit.

On s’embrassa, on fraternisa, on trinqua une dernière fois, et l’on se sépara.

Les Lévois croyaient que le préfet renonçait décidément à l’ouverture de l’église : leur illusion ne fut pas de longue durée.

On vint leur annoncer qu’une ordonnance était partie pour Chartres, avec mission de ramener un autre escadron de chasseurs et tous les renforts possibles.

Alors, le cri « Aux armes ! » retentit.

À ce cri de guerre, un homme en soutane essaya de fuir : c’était l’abbé Dallier, que le préfet, le général, le chef de la gendarmerie, le procureur du roi, les deux substituts et le juge, dans leur précipitation à battre en retraite, avaient complètement oublié !

Le pauvre abbé fut appréhendé à la soutane, fait prisonnier, enfermé dans une cave par le soupirail de laquelle on lui annonça qu’il était considéré comme otage, et que, s’il arrivait le moindre dommage à un habitant quelconque de la commune, la peine du talion lui serait appliquée dans toute sa rigueur.

Puis on se mit à construire des barricades aux deux extré-