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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/40

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Ils passèrent à une table couverte de verres et de bouteilles, et furent servis par les propres laquais de Son Altesse royale.

— Eh bien ? leur demandai-je quand ils eurent bu.

— La livrée est belle, répondirent-ils ; mais le vin n’est pas bon.

— Comment, le vin n’est pas bon ?

— Oh ! non, il ne vaut pas celui que vous nous avez envoyé sur la place de l’Odéon… Il y a à parier que ce vin-là ne vaut pas douze sous la bouteille.

— Si vous en avez de pareil ce soir, je vous déclare que je vous regarderai comme bien heureux !

— Messieurs, dit un des laquais, faites place à d’autres, s’il vous plaît.

— C’est juste.

Nous sortîmes.

Paris présentait, — chose incroyable après les différents spectacles qu’il avait déjà offerts, — Paris présentait un spectacle nouveau : soit que les fiacres fussent payés par le gouvernement, soit qu’ils partageassent l’enthousiasme général, ils se mettaient à la disposition des combattants.

Au coin de la rue Saint-Roch, j’aperçus Charles Ledru, qui courait à toutes jambes.

Je l’appelai.

— Hé ! venez-vous avec nous ?

— Vous avez donc de la place ?

— Nous ne sommes que neuf dans l’intérieur. En se serrant un peu, on vous logera.

— Merci, j’ai un cheval qui m’attend chez Kausmann.

— Tiens, dis-je, cela me rappelle que j’en ai un aussi… Je l’oublie toujours.

Il y avait si peu de temps que je l’avais !

Je m’arrêtai devant le café de mon ami Hiraux, porte Saint-Honoré ; il régala chacun de mes hommes d’un petit verre d’eau-de-vie. La bouteille y passa.

Mais aussi le drapeau s’inclina, mes hommes chantèrent la Marseillaise, et le tambour battit un ban.

Nous avions mis près de trois quarts d’heure pour venir du