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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/45

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Assez pour qu’ils exécutent à la lettre, et sans le discuter, un ordre que vous leur donneriez ?

— Quel ordre ?

— Celui d’arrêter les députés, par exemple.

— Oh ! je ne réponds pas de cela !

— En ce cas, la révolution a fait fausse couche !…

Et il rentra chez lui, rue de la Ferme-des-Mathurins, pour y attendre les événements.

Les événements, étaient arrivés ; on le chargeait de commander l’insurrection du 3 ; on comptait sur lui pour se mettre à la tête de l’armée populaire ; il s’y mettait.

Que lui importait, à lui ! c’était toujours servir la France.

Charras avait entendu crier dans les rues que c’était le général Pajol qui commandait en chef l’expédition. Il avait couru chez le général Pajol.

Commençons par dire qu’auparavant, il avait été prendre le meilleur cheval de l’écurie de Kausmann, cheval qu’il lui avait fallu disputer à un premier amateur qui, se connaissant apparemment en chevaux, l’avait choisi. L’amateur était ce même Charles Ledru, qui m’avait quitté rue Saint-Honoré, en refusant la place que je lui offrais dans mon fiacre, pour aller enfourcher le cheval qui l’attendait chez Kausmann.

Au moment où il entrait dans le manège, Charras en sortait au galop sur le cheval que lui, Charles Ledru, avait choisi. Il en trouva un autre, et se mit, avec le second, à courir après le premier. Heureusement, il s’aperçut que le second était bon ; ce qui fit que, lorsqu’il rejoignit Charras, il lui donna tout simplement une poignée de main.

Charras, sans introducteur aucun, se présenta chez le général Pajol.

Le général, habitué aux précautions à prendre dans les expéditions militaires, faisait descendre deux énormes sacoches : l’une, pleine de jambons, de gigots et de poulets ; l’autre, pleine de pain.

À la quatrième parole que lui disait Charras, et au premier regard qu’il arrêtait sur lui.

— Tiens, dit-il, vous me plaisez, vous !